The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
ALBUM DU MONDE : LE MUR EN HAILLONS


C’est un mur-palimpseste où les relents de moisissure recouvrent la rouille de l’exil. On devine les gribouillis des braises sur les insomnies, les échos des prières déboutées, les noces scellées au henné, les langueurs des naissances, les points de suspension dans les débats talmudiques, les ânonnements des bambins scandant leur alphabet sur un air araméen, leurs litanies sur un air coranique, leurs cantiques sur un air ecclésiastique. Ces murs, je veux le croire, servaient les hirondelles. Elles étaient accueillies par le reste des oiseaux qui leur demandaient comment c’était là-bas, ce que ça leur faisait de revenir et comment elles retrouvaient leurs nids dans les interstices. Ils s’intéressaient aussi de savoir s’ils pouvaient se joindre à elles pour leur prochaine migration. Le soir, lorsque le jour commençait à vaciller et que Dieu se prenait de clémence pour la ville, leur pépiement redoublait d’intensité, incitant le muezzin à leur intimer le recueillement.
On ne restaurait pas les bâtisses pour ne pas chasser la présence des morts. Derrière leurs silences gisaient des histoires. Des lettres d’amour, des parchemins généalogiques, des bribes de la mystique de l’océan et du vent. Une maison sans mystères, sans recoins, sans puits, même sec, ne serait qu’une sordide suite d’hôtel. Dans « Terre des Hommes », Saint-Exupéry : « Que devaient être les greniers, quand le salon déjà contenait les richesses d’un grenier ! Quand on y devinait déjà que, du moindre placard entrouvert, crouleraient des liasses de lettres jaunes, des quittances de l’arrière-grand-père, plus de clefs qu’il n’existe de serrures dans la maison, et dont naturellement aucune ne s’adapterait à aucune serrure. » Sur cette photo, les murs se résigneraient à l’amnésie pour mieux se laisser abattre, à moins qu’ils n’attendent un miraculeux ravalement. Une résurrection des morts, un retour des émigrés, l’emménagement d’une nouvelle communauté de rêveurs. La lampe ne s’allumant plus, je veux croire que les linges vert et rouge formeraient un jour l’étendard d’un bâtiment ivre que le vent entraînerait au large dans le sillage de Rimbaud.
On l’aurait détruit depuis, on l’aurait rénové. Il ne resterait que la photo de sa décrépitude, avant que les gravats ne se prêtent à leur traitement au papier d’argent qui passe pour chasser les démons qui hantaient la ville enclavée dans la moiteur de mes souvenirs.