CONTES DES MIROIRS BRISES / Haviva Pedaya

2 Nov 2015 CONTES DES MIROIRS BRISES / Haviva Pedaya
Posted by Author Liliane Stein

A la fois anciens et modernes, les Contes des miroirs brisés sont éternels : ils nous mettent face à l’incompréhension entre les êtres. Haviva Pedaya met en scène des femmes malaimées, désaimées ou maltraitées. Malheureuses et déçues, elles persistent, malgré leur lucidité et leur désespoir, à poursuivre leur idéal et leurs rêves et cherchent l’espoir auprès d’un grand-père ou d’autres êtres chers disparus. Le lecteur, comme les héroïnes, est emporté dans un monde mystique, peuplé d’âmes bienveillantes, homme sage et pieux, médium ou rabbin, versé dans les écritures.

Dans ces miroirs brisés, les héroïnes croisent parfois leurs doubles, comme dans les contes de Maupassant. Plutôt que de les entraîner dans la schizophrénie, leurs reflets les révèlent à elles-mêmes. A l’opposé de Narcisse, elles ne s’abîment pas dans un vertige amoureux mais se débattent, s’échappent parfois ou attendent impuissantes jusqu’à l’épuisement. Le lecteur est happé par ces réflexions infinies et par les mots des héroïnes, empruntés au Cantique des cantiques. D’ailleurs, leur charme réside dans la maîtrise du secret des lettres hébraïques et du langage des animaux. Jeunes femmes amoureuses, sans ressources, généreuses et naïves, elles se donnent entièrement  jusqu’à partager leur savoir avec leur compagnon. Ils s’en emparent et le détournent à des fins égoïstes, puis les abandonnent. Soudain, vulnérables, mises à nu, destituées, et effrayées par la métamorphose de leur compagnon, elles souffrent. Elles ne sont pas des héroïnes  de contes de fées et ne traversent pas d’épreuves, à part celle du temps. Elles ne crient pas vengeance. D’ailleurs, il n’y a pas de méchant à blâmer, ni de coupable à châtier. Qui peut condamner l’oubli ou simplement le temps qui passe ? Chronos est à l’œuvre et le temps avance inexorablement.

Loin des contes mythologiques grecs où les Dieux tout puissants décident du destin des hommes, les héroïnes ne sortent ni vainqueurs ni vaincues. Haviva Pedaya nous plonge dans un monde différent, aux teintes parfois orientales, dominé par le doute, les discussions, l’absurde. Les humains marionnettes tremblent au bout de leur fils, manipulés par les anges ou les démons. Eux aussi sont en proie au mal existentiel et Dieu lui-même n’est pas sûr d’exister.

Armée de sa clé Haviva Pedaya  remonte avec compassion ses pauvres automates. Dans leur quête de sens, ses héroïnes font face à la solitude et pire encore : à l’exil du monde, de leur compagnon, de leurs enfants, d’elles-mêmes. Puis elles s’aperçoivent, consternées, que cet exil était toujours là.

Certains des contes remontent à la création du monde et l’on saisit alors la véritable nature de ces Contes des miroirs brisés. Voyage initiatique, ils explorent la brisure originelle des vases évoquée dans la tradition cabalistique. Lors de la création de l’ « adam hakadmon », l’« homme primordial » mi-mâle, mi-femelle, qu’évoque Haviva Pedaya, il y a eu une « brisure des vases » qui contenaient la lumière divine. Avant, chaque élément du monde avait sa place, sa demeure, mais avec la brisure, tout est désarticulé, cassé. Désormais plus rien n’est à sa place et les êtres sont en exil.

Les contes des miroirs brisés se reflètent les uns dans les autres. On n’échappe pas au temps et à la réalité. La plongée dans les miroirs brisés de nos vies reflète un monde où la Shekhina est absente. Par sa langue poétique et  irrationnelle et entre les lignes, Haviva Pedaya invoque la présence divine. Elle court tout au long des contes et sa mélodie, langoureuse et mélancolique, console les héroïnes et le lecteur.

Renseignements sur Contes des miroirs brisés :
http://www.matanel.org/content/contes-des-miroirs-bris%C3%A9s

Se procurer Contes des miroirs brisés :
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