JOURNAL DE LA PERPLEXITE : LE SENS DE L’EVANESCENCE

L’évanescence est porteuse de sérénité. Le malheur est évanescent, le bonheur aussi. Le jour est évanescent, la vie aussi. On doit pouvoir s’arracher à l’encroûtement et se recueillir dans l’évanescence universelle, évanescence du salut et salut de l’évanescence. Le sens de l'évanescence relaie désormais le sens historique. On ne s'encombre plus autant de considérations eschatologiques. On est de moins en moins porté à sacrifier les générations présentes au bénéfice des générations futures. On ne souhaite plus se soumettre aux chantages au nom du passé ou en exercer au nom de l’avenir. On ne reconnaît plus autant l'autorité des livres, des dogmes, des autorités. On est volontiers évanescent et l'on ne s'accommode des régulations et contraintes sociales qu'autant qu'elles nous permettent de végéter plus ou moins sereinement dans notre coin. On est acquis au miracle de la présence et ne veut plus le brader sur le marché du travail ou sur celui des mots.

Dans cette bousculade somme toute aléatoire on s’accroche au leurre d’une vocation pour ne pas perdre pied et se laisser entraîner dans le tournis des étoiles et des sciences. Résous-toi donc à ce que ce soit ton dernier vertige, ton dernier rêve, ton dernier tour de propriétaire, ton dernier désir, ton dernier jour, ta dernière remarque.

C’est le genre d’incitation qui, je le reconnais à la lecture des stoïciens, des épicuriens et des cyniques, participe davantage de l’incantation que de la sagesse de la bouillie humaine qui se dérobe désormais aux philosophies autant qu’aux prêches.

Photo : Paul Klee, Dance Position (1935)