The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
LE MUEZZIN DES MOUETTES


Je ne sais pas de qui est cette photo. C'est Abdel Mouzi (Souiri) qui me l'a communiquée. Ce devait être une heure matinale. Les magasins n'ont pas encore ouvert. Je ne sais davantage de quoi discutent les deux femmes en haïk contre le mur. Peut-être du vieil homme derrière les trois portes de la boutique qu'il habitait en soute de bateau dérivant dans la médina. Il cueillait régulièrement des fleurs dans la prairie pour renouveler les garnitures de ses vasistas : des jonquilles, des coquelicots, des marguerites, des bleuets.
Les Anciens se souviennent du personnage. Pendant des années, il porta autour du cou une lourde pierre pour se repentir. Pendant des années, il courut les poubelles pour nourrir les chats. Pendant des années, il ramassa les abats des poissonniers pour nourrir les mouettes aux quatre coins de la ville. Il portait une tunique noire de pâtre grec, un bonnet noir, un châle rouge autour de l'épaule et un cordon également rouge en guise de ceinture. Pendant toutes ces années, il ne parlait pas, pour ne pas s'aliéner les passants, recouvrer son innocence, s'allier les hirondelles. Puis un jour, il se mit à parler et l'on découvrit qu'il avait dans sa mémoire le plus beau musée d'Essaouira-Mogador du temps où elle avait l'âme multireligieuse. Qui n'a entendu Si Ibrahim Chokar ameuter les mouettes à la prière en leur lançant des abats ne connaît pas les légendes de cette ville scintillante et embuée.
Quand Si Ibrahim est mort, ce sont les mouettes qui ont conduit son âme au ciel. Elles le lui devaient, c'était leur muezzin. Sans lui, elles se seraient perdues entre les pleurs et les rires des goélands.