The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
NOTE DE LECTURE : MARCEL BENABOU, JACOB, MENAHEM ET MIMOUN (1995)


Ce n’est pas un livre, c’est une couverture. Dans tous les sens du terme. Sous laquelle Bénabou se range. C’est un normalien qui écrit et il l’annonce dès les premières pages, rehaussant le prestige de son écriture en citant je ne me souviens plus quels Anciens. De ces gentils colonisés qui restent d’une âme douillette et correcte jusqu’en leur murmure – et c’est tout à son mérite ! Quand c’est le lecteur en lui qui écrit, il racole le lecteur ; quand c’est le chercheur, il prend le risque de le perdre. Il est tant averti de la banalité des livres, qu’il célèbre par ailleurs, qu’il se condamne l’entrée à son propre livre et nous l’interdit. Il a besoin de s’accrocher à tous ses monstres sacrés et chercher sa structure ou son modèle chez les Grecs, les Latins et les… Chleuhs. L’œuvre d’un auteur qui s’est tant piqué de littérature qu’il ne se décide pas à se compromettre avec un vulgaire livre dans la pléthore des livres qui encombrent les bibliothèques. Ce n’est pas une rhapsodie, c’est plus intéressant et charmant.
Bénabou s’est voulu un auteur sans livres qu’il n’a cessé d’écrire pour dire ce qui l’empêchait de les produire. Du chichi oulipien relevé de la légendaire pesanteur de Meknès décelable dans un humour qui ne convaincrait que les gens de Meknès émoulus des grandes écoles qui continuent, malgré Zemmour et Cie, d’exercer leurs maléfices sur les brillants élèves des anciennes colonies encore tentés par les concours généraux : « Le doux Virgile tombait à point pour me tirer d’embarras. Il me permettait de renvoyer ces deux grandes ombres dos à dos (pour autant que les ombres aient un dos, ce que je ne suis pas sûr), elles qui… m’avaient tant pesé (car je sais d’expérience que les ombres ont un poids). » Derrière ses rétractions, ses ruses littéraires, ses marques de modestie, c’est d’une sobre prétention, plus suave qu’assommante, et l’on reste indécis sur son talent. Il amuse davantage qu’il n’impressionne malgré sa volonté d’impressionner, surtout quand il assure ne nous donner que l’écho d’une épopée scellée dans ses souvenirs. Cela se veut parodique et humoristique ; ce l’est peut-être. Ce n’en est pas moins légèrement savant.
Ce livre est donc la préface d’un livre qu’il se propose d’écrire et qu’il n’écrira pas. Son chantier aussi. Peut-être nous laisse-t-il le loisir de le composer. Mais encore faut-il avoir l’esprit oulipien. Ce qu’il est, comme tout oulipien qui se respecte, le seul à avoir. Je dirais pour sa défense que l’Iliade et l’Odyssée ne sont pas plus réussies que son Epopée meknassie. Sinon son livre comporte tous les ingrédients d’un bon livre, l’enfance, le livre, la mère… l’érudition. Parce qu’il sort du cru colonisé des livres, qui s’embrouillent et embrouillent quand ils ne sonnent pas creux, il restera.