NOTES PHILOSOPHIQUES : COMPREHENSION ET INCOMPREHENSION

31 Aug 2022 NOTES PHILOSOPHIQUES : COMPREHENSION ET INCOMPREHENSION
Posted by Author Ami Bouganim

Pourquoi la philosophie est-elle en train de prendre la tournure de baratins historico-politiques, de variations socio-psychanalytiques, voire de vulgarisations théologico-scientifiques pour ne point parler des redondants prêches sur l’altérité ? – Parce qu’elle se dérobe à l’étude de la science astrophysique ? – Pourquoi se dérobe-t-elle ? – Parce qu’elle ne la comprend pas. – Pourquoi ne la comprend-elle pas ? – Parce qu’il n’est personne pour l’expliciter dans les termes de l’univers galiléen-macroscopique où l’on comprend à proprement parler ? – Parce qu’elle ne se prête pas à une telle explicitation ?

Les astrophysiciens comprennent de moins en moins l’univers qui se dévoile et se voile à eux. Même les mathématiciens, qui comprennent d’autant moins les mathématiques qu’ils manient leurs formules avec virtuosité (à l’instar des musiciens leur musique ?), ne sont pas d’un grand secours. Calculer n’est pas comprendre. Voire plus l’on calcule et moins l’on comprend. Or avec le recours aux calculs computationnels et leur mobilisation, souvent plus inconsidérée que raisonnée dans les prêches sur les promesses de l’intelligence artificielle au service de la science, on s’enlise de plus en plus dans une incompréhension méthodologique et ontologique ou « compréhension noire » comme l’on dit corps noirs ou trous noirs sur lesquels on ne sait rien.

On ne comprend pas les phénomènes cosmologiques ou microphysiques comme l’on comprend ce qui se produit dans l’univers galiléen-macroscopique. La compréhension ne serait-elle pour autant possible que dans cet univers ? – Les découvertes quantiques et les spéculations astronomiques ne réclament-elles pas des installations dans cet univers et n’y trouvent-elles pas leurs confirmations et leurs applications, plus convaincantes et tranchantes au demeurant que toutes les preuves de vérité ? – La compréhension reste anthropologique-anthropomorphique- galiléenne, à la portée de l’homme partagé sur les thèses provisoires qu’il émet. Les savants quantiques, qu’ils se doublent ou non d’astronomes, auraient de moins en moins de choses à dire sur l’univers galiléen-macroscopique même si celui-ci est remanié par les applications qui proviennent de leurs découvertes. Les philosophes des sciences n’auraient d’autre choix que se doubler de mystiques pour espérer comprendre quoi que ce soit aux incursions des savants dans l’infiniment petit et l’infiniment grand. Or soit ils n’ont rien de mystique, soit ils s’interdisent précisément de franchir le seuil mystique de leur compréhension. C’est le cas de Wittgenstein. C’est également celui de Bergson qui a reculé devant la possibilité de couler son « christianisme » dans une cosmogonie indexée à la science. L’un et l’autre parviennent à ce seuil (limite de compréhension ?) mystique, ils n’en partent pas. Le seul à proposer une plateforme mystique de la science serait encore Spinoza, au point qu’on se surprend à attendre que la science moderne trouve son explicitation dans une « Ethique » qui poserait les définitions, les postulats et les théorèmes, voire les scolies, que réclament les sciences inachevées et inachevables telles qu’elles se coulent dans des mathématiques somme toute aléatoires. Cette tâche serait dévolue aux spinozistes de la prochaine génération qui, parce qu’ils se doubleraient de chercheurs, éviteraient de verser dans le baratin philosophico-spinoziste des précédentes générations. Dans la mesure où « Le Tractatus logico-philosophique » s’est voulu une partition logico-mathématique du monde, Wittgenstein s’est peut-être inscrit dans ce souci spinoziste de restituer la totalité (la substance ?) si ce n’est qu’il a négligé les incontournables intuitions métaphysiques de Spinoza.

La question première ne serait pas tant : « Que comprend-on à l’univers ? » que : « Que ne comprend-t-on pas à l’univers ? » Le rôle du philosophe des sciences serait de réfléchir cette incompréhension qui, comme toute incompréhension mystique, requiert une initiation pour se muer en compréhension. Cette initiation ne serait pas moins ésotérique que celle que réclament les doctrines mystiques religieuses. Heidegger chargeait les poètes de comprendre le monde à contre-science. Malheureusement, ceux-ci se révéleraient des attardés, au sens noble du termes, pleurant sur un univers qui se dérobe sous leur pied plutôt que de s’insinuer dans les laboratoires par les interstices qu’entrouvrent les accélérateurs de particules et les télescopes géants et de proposer de nouvelles cosmogonies qui habilleraient les sciences plutôt que de laisser les mystiques religieux, judaïques et catholiques surtout, se cacher derrière le dos de Dieu.