SUR LES TRACES DE DIEU : LE NOM COMMUN

L’homme s’est donné un Dieu avec lequel il aurait des hauts et des bas. Il le conserve pour son plaisir et pour son tourment ; pour sa gloire et pour sa déchéance. Dieu a été un cri de révolte. Puis un cri de ralliement, un cri de mobilisation, un cri d’anarchie. Puis tous ces cris mêlés dans une même invocation. On ne se résout pas à reconnaître que ce ne serait plus qu’un aveu d'incrédulité, de naïveté, d’impuissance et de désespoir. Le seul remède contre l'ennui universel. L'ennui intersidéral, terrestre, voire humain.

Dieu guetterait les recherches, sur-sens au-delà de tous les sens et non-sens. Ce ne serait pas tant un pari sur le sens que sa postulation : on ne peut exister sans postuler l’existence d’une « intelligence » supérieure qui coordonnerait tout cela. Or Dieu n’existe pas, du moins tel que le présente ou le laissent pressentir la Bible, ses ratures et leurs commentaires et la nature naturante de Spinoza est tellement insensible qu’elle heurte notre malheureux sens religieux, plus exsangue que comblé.

En définitive, Dieu n'est nulle part et il est partout. Il est sage ; il est dément. Il est intelligent ; il est aberrant. Il est toute sérénité ;  il est toute véhémence. Dieu est le pseudonyme le plus ambigu, universel et éculé de l'homme. Il recouvre une contradiction non moins existentielle qu’intellectuelle, et rien n'est plus dérisoire que de tenter de la résoudre. Les disputes autour de lui et sur lui, les écritures et leurs interprétations, l’embrouillent davantage qu’elles ne l’éclaircissent. Dans la comparaison entre Dieu et la nature, c’est la nature qui l’emporte. Dans la concurrence entre révélation et dévoilement, c’est celle-ci qui ravale celle-là. On ne se résout pas à ce que tout cela ne soit qu’un mirage. La montagne. La mer. L’arbre. L’oiseau. Soi. Dans ce cas, Dieu ne serait que le mirage des mirages passés, présents et à venir.

Photo : Paul Klee, Présentation du miracle, 1916