The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
ANGLE DE VUE : DAVID LEAN, LA FILLE DE RYAN (1970)


En 1916, dans un village de la côte irlandaise, Rosie, la fille de Ryan, tavernier à la grande gueule, se cherche des émotions. Elle se promène le long du rivage, d’une beauté sauvage, vêtue à la dernière mode et portant ombrelle. Le village, tout à ses pudibonderies et à ses grivoiseries, à ses ennuis et à ses méchancetés, n’aime pas ses coquetteries et ses minauderies. Seul le curé, véritable autorité pastorale, se soucie de ses langueurs. Le fou du village, interprété par John Mills, muet, grimaçant, bavant, clopinant, lui voue une véritable vénération qui ennoblirait sa hideur. Le village est surveillé par une garnison anglaise tandis qu’à Dublin on pend les indépendantistes et que le continent se livre à la boucherie de la Première Guerre mondiale.
L’école est divisée en deux classes, une pour les filles, l’autre pour les garçons, où l’on chante pareillement les tables de multiplication. L’instituteur, entre deux âges, ne se remet pas de la mort de sa femme. Charles n’en est pas moins le seul homme encore fréquentable – interprété par Robert Mitchum – et c’est sur lui que la jeune Rosie, qui a été son élève, porte son intérêt, en quête d’elle-même ne sait quoi. Sitôt le mariage conclu, elle succombe de nouveau à ses langueurs. Elle coud, il herborise, tandis que le gramophone émet sa musique. Mais elle cherche plus parce que cela ne peut se réduire à cette routine domestique. Elle s’éprend du nouveau commandant de la garnison anglaise, un jeune et bel officier, aristocrate, invalide de guerre, qui traîne une jambe de bois, a une larme de sang sur le visage et dans la tête un traumatisme de guerre qui provoque des scènes d’explosion sur la Marne qui coule dans ses souvenirs. Cette liaison se prend dans les rets d’une tentative de l’armée de libération irlandaise de récupérer des armes larguées sur la côte par une nuit de tempête. L’accusation de trahison portée contre Rosie est suivie du lynch perpétré par les villageois contre elle et son mari qui ne se décide pas à la quitter : « Les dévergondées et les filles de joie, et plus bas, il y a les putains qui vont avec les salauds d’anglais. »
C’est un film de plus de trois heures, sur le modèle des Hauts du Hurlevent, avec une caméra plus plantureuse qui donne à ses séquences cette pâte cinématographique des années 60 et 70 que les nouvelles caméras auraient rabotée. Le réalisateur ne s’autorise pas de raccourcis et prend tout son temps pour accompagner ses acteurs. C’est si lent que c’en est long, si précis que c’en est lassant. C’est un cinéma de vastes plans sur une vaste plage pour une vaste passion concoctée par un scénario inspiré d’Emma Bovary de Flaubert mise au goût irlandais par Robert Bolt. Les visages sont irlandais, les gestes, les violons, les chants, les danses et les noces. La caméra prend de la hauteur, de la largeur, des couleurs et laisse des empreintes sur le sable. Davantage que le jeune Michel Jarre, c’est le vent, émaillé des piaillements des mouettes, qui donne sa bande sonore au film. Le ressac des vagues, les bruissements dans les sous-bois, le gazouillis des oiseaux, le silence pécheur de la passion entre deux êtres débordés par eux-mêmes et par l’histoire au point de se rejoindre et de se perdre. Un vieux gramophone aussi sur lequel se glisse Tchaïkovski et qui sera le seul objet que l’instituteur prendra avec lui quand il quittera le village. Sans considération pour les longueurs, Lean multiplie les scènes avec Michel, le fou du village, qui mettent comme un air de commedia dell’arte dans la grisaille océane de son village où l’oisiveté tourne à la méchanceté.
C’est un beau film qui aurait voulu être grand et qui se révèle long…