BILLET D’AILLEURS : ZAATOUT A COGOLIN

28 May 2022 BILLET D’AILLEURS : ZAATOUT A COGOLIN
Posted by Author Ami Bouganim

Dans une interview accordée au Figaro, qui ne se décide pas à reconnaître qu’il nous avait habitués à des personnages autrement plus nobles et prestigieux, plus lucides et moins brouillons, Zaâtout déclare : « Ma mystique bonapartiste du pont d’Arcole me poussait et me galvanisait. » C’est dire que Zaâtout ne gesticule autant que parce qu’il est pris de transes mystiques qui le poussent sur des ponts qui enjambent l’histoire. Il n’explique pas ce que ce pont est, où il se situe, ce qui s’est passé avant et après la traversée et l’on ne sait si cette mystique bonapartiste participe d’une mystique de révolution, de brigandage ou de mégalomanie. Bonaparte était alors un révolutionnaire, Zaâtout n’est qu’un guignol sur la scène réactionnaire où s’exhibent les brouillons médiatiques. Bonaparte ne doit sa renommée ni à sa mystique ni à son pont, mais à ses succès militaires. Même ses débâcles étaient autrement plus glorieuses que Cogolin. Ses amours autrement plus luxuriants et moins puériles et immatures.

Je me suis tant épris de Zaâtout (les exorcistes ne réussissent pas à me libérer de lui pour la simple raison qu’il me tient comme par une laisse littéraire) que je me sens humilié de le voir tomber aussi bas, à débattre avec les représentants des autres partis pour un vulgaire poste de député. Il mérite mieux et plus. C’est un Zaâtout et je ne voudrais pas qu’il ridiculise les zaâtout qui l’ont précédé ou qui lui succéderont. Ce parachutage dans le Var est indigne de lui : « Cela fait vingt ans que je passe mes vacances dans la circonscription. » J’en suis à me tourmenter pour lui. Dans une table ronde sur une chaîne provinciale : « Quand j’étais petit, dans la cour de récréation… » Heureusement personne ne s’est risqué à lui rétorquer qu’il n’avait pas grandi ni n’était sorti de sa cour de récréation. Je ne peux que m’en réjouir, il ne serait pas près de s’affranchir du personnage qui inspire mon « Roman de Zaâtout ». S’il se retirait, se taisait, je verrais mes velléités cervantésiennes s’évaporer dans le vent de la vanité littéraire.

Je reste un grand partisan de Zaâtout, je vois en lui l’avoton le plus caricatural de l’histoire médiatique du monde. Son originalité, « à nulle autre pareille », c’est qu’il incarne tout ce qu’il dénonce. Il est fils d’émigré et ce n’est pas le décret Crémieux qui le blanchirait de cette « ignominie ». Il tire des salves contre les médias qui ont accouché du phénomène et l’ont sacré champion de la punaise. Les oreilles bouchées, les yeux pare-brisés, il est le seul à avoir raison, tous les autres ont tort. Il serait en train de réaliser l’un de ses rêves en devenant une caricature de Poutine. Un jour on devra faire le procès des médias pour avoir converti un petit homme, père de trois enfants, en zaâtout et continuer de couvrir ses singeries. Parce qu’il a derrière-lui « le plus grand parti de France ». Parce qu’il ne vise rien moins qu’à devenir le prince de Saint-Tropez, nouer des relations bilatérales avec Monaco et obtenir le déménagement le festival de l’échancrure et du mauvais goût de Cannes à Cogolin. Parce qu’il est le chantre auto-proclamé de la civilisation judéo-chrétienne. Le malheureux ne semble pas vraiment connaître les vieux catholiques, malgré sa propension à émailler ses interventions de citations de Chateaubriand, il n’a dû lire ni Mauriac ni Drieu de la Rochelle, encore moins Drumont pour se mettre à son insu à le pasticher. Sinon, il les aurait entendu susurrer un rien dégoûtés : « Mais de quoi se mêle ce youpin, pour se poser en champion d’une France judéo-chrétiene ! L’Eglise ne l’a pas attendu pour se défendre seule ! On ne prend pas le premier venu, il n’est ni de Nazareth ni de Bethléem, il est de l’on ne sait quel bled en Berbérie ! On devrait lui mettre un miroir devant les yeux. C’est vrai, il n’y verrait que ses grandes oreilles. On ne va pas laisser pour autant l’avenir de la race blanche à ces métisses berbéro-arabo-phéniciens ! Ce n’est tout de même pas Raymond Aron ! »

Heureusement qu’il a Sarah à ses côtés pour sa tournée des marchés dans le Var. La séduisante Sarah qui ne l’est pas vraiment. L’intelligente Sarah qui ne l’est pas vraiment. Ce n’est ni Sciences Po ni l’ENA qui l’ont conçue. Ce serait prêter à ces institutions plus de crédit qu’elles n’en méritent. Une biographie sérieuse retournerait à sa maternelle, son primaire, son secondaire. Elle a eu comme directrice la plus intrigante et sultanesque des personnalités du mellah reconstitué aux Pavillons-Sous-Bois. Son heure littéraire, il est vrai, aurait sonné, à moins que Zaâtout ne soit élu, ne revienne sur la scène publique médiatique et ne se remette à me fournir du précieux matériau. Cela dit, elle bénéficie de circonstances atténuantes. Elle aurait des racines dans la très neurasthénique cité des alizés qui passe pour une cité des aliénés (connue aussi comme Tarédant !) d’où je tire la sève qui me permettrait un lointain jour de vous proposer mon « Roman de Zaâtout »…