The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
BRIBES PHILOSOPHIQUES : LE REGIME DE LA TECHNIQUE

L’accélération des progrès technologiques est irrémédiable et l'on ne sait ce qu'elle ménage à l'humanité. On ne sait plus quels repères se donner, quels dieux invoquer, quels codes respecter, quelles vocations caresser. Tout progresse si vite – on ne sait vers où – que l’homme est devenu, dans le meilleur des cas, une machine à apprendre pour rester en phase avec les changements qui le débordent de toutes parts. Malgré sa vigilance – quand il en montre –, la technologie est en train de remanier ses sens et de ruiner les coordonnées de son existence, que ce soit le ciel et la terre, le passé et l’avenir. On n’exclut plus l’émergence d’une créature trans-humaine dont la mémoire serait partiellement digitalisée et dont le comportement – le fonctionnement ? – serait commandé par des algorithmes insinués-inséminés dans son cerveau, dans son cœur et dans ses viscères. On en est à greffer des puces électroniques ou nano-technologiques chez les travailleurs pour leur permettre d'ouvrir des portes, actionner leurs ordinateurs, commander leurs repas. Certaines seraient mêmes munies de GPS permettant aux contremaîtres de s’assurer de leur présence sur les sites de travail et de suivre leurs gestes et mouvements. Bientôt, on pourra contrôler leurs pensées et leur donner des instructions mentales, voire programmer leur longévité.
Plus on accomplit des progrès dans la recherche et plus l’écart entre la science et la pensée se creuse. Plus la science progresse et moins le savant est sage, son rôle se réduisant à celui d'un technicien plus ou moins habile dans une équipe de techniciens. Un médecin ne prononce pas de diagnostic sans avoir sous les yeux les résultats d'une batterie d'examens et de contrôles. De même pour l'art où l'on n'attend pas tant de l'artiste du talent que de l'habileté technique. La poésie résonne de moins en moins dans les arts, raturée par de vulgaires coups de pinceau et brouillée par de micro-senseurs et de micro- caméras. Cette technisation de plus en plus poussée des savoir-faire ne laisse plus de place au génie, que nul du reste ne s'empresse de reconnaître sinon pour sanctionner une carrière passée à s’entêter à en montrer. La technique étend son régime à toutes les disciplines et dans l'avenir, on ne pensera plus autant qu'on calculera, ne gouvernera plus autant qu'on dominera et ne traitera plus les patients autant qu'on les soumettra à toutes sortes de manipulations génétiques. Dans l'extension du régime de la technique, l'homme ne sera plus qu'un révélateur dans un vaste et interminable chantier d’expériences.
D’ores et déjà, la digitalisation est en train de bouleverser les modes de relation, de communication, de bureaucratisation et resserre les mailles de la mondialisation tant au niveau de l’échange que du contrôle et de la surveillance et menace ou promet de bouleverser l’humanité en l’homme. Les manipulations transgéniques brisent l’aura transcendantale qui entourait la morale et réduit celle-ci, dans le meilleur des cas, à une éthique de la recherche si tant est que celle-ci s’accommoderait d’une éthique qui autoriserait ce que l'on s'est interdit jusque-là, comme l'euthanasie, et interdirait ce que l'on s'est autorisé jusque-là, en l'occurrence toutes sortes de restrictions ou de licences écologiques – au sens large du terme écologie couvrant l’homme et sa reproduction autant que la nature et l’exploitation de ses ressources. La technique résilie bel et bien les modes traditionnels de traiter des questions éthiques et politiques.
L’homme n'a jamais été aussi démuni devant l'inconnu que bardé de son attirail technologique qui le déporte hors de tout lieu, voire hors de soi, sans lui assurer de gîte nul part. La virtualisation lui cache le ciel et lui tire la terre de sous les pieds. Le réaménagement constant du décor vital par la technique lui donne le tournis, naissant sous certains augures, titubant au bord de l’abîme que recouvre l’infini intersidéral et mourant sous de nouveaux augures. On vit peut-être plus longtemps, on ne vit pas mieux ; on vit désormais plus vite et davantage au hasard. De plus en plus, l’homme sent qu’il n'a plus de rôle dans la création ; plus de dieu auquel adresser ses prières ; plus d'hymne à entonner. Il n'aurait que ses démons à exorciser, en lui et hors de lui. Il vit de plus en plus dans l’incertitude. Sur le sort de la planète. L’intrigue de l’humanité. Les régimes politiques. Les conditions de vie et de mort. Le marché de l’emploi. Le cours de l’histoire. L’avenir de sa postérité. On ne peut rien prévoir ; on n’arrête pas de prévoir ; on ne sait à quelles prédictions s’en remettre. Les recherches sur l’homme sont contradictoires. Celles des sciences naturelles, biochimiques et astrophysiques surtout, poussent leurs prospections dans tous les sens. Sans plus de limites, de contraintes, de… tabous. On ne sait à quoi s'attendre parce que l'homme ne peut s'en remettre ni à sa raison ni à sa déraison. Ses découvertes débordent ses sens, ses argumentations et ses logiques. Il ne peut pas plus prévoir l'avenir de l'univers, qui évolue, que son propre avenir. Il prend son parti de s’interner dans une dogmatique ou l’autre pour ne point succomber au désarroi que provoque cette lancinante incertitude, à moins que réalisant sa vanité il ne montre le courage de soutenir l'Inouïe ( ?) qui serait désormais le véritable dessein de toute révélation.

