The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
CHRONIQUE DE PHILISTIE : LE JUIF VACILLANT


On ne sait ce qu'est devenu le légendaire Juif errant, s'il est arrivé en Israël, comme le clamait Albert Londres, quelles mutations il a connues, s'il s'est assimilé parmi les nations ou s'il continue de hanter les voies terrestres et célestes avec un ghetto intérieur et une patrie qui exauce ou déçoit ses vœux. On n'erre peut-être plus autant, on n'en tâtonne pas moins. Dans le vague d'une condition sur laquelle plane le terrible souvenir d'Auschwitz et qui demanderait à être réenchantée, que ce soit en Israël ou ailleurs. Les Juifs, ces grands inquisiteurs de Dieu, n'ont peut-être pas posé les questions jusqu’au bout et ce n'est pas un hasard s'ils continuent d'errer dans l'attente d'une nouvelle apocalypse – le démantèlement d'Israël ? – ou d'un nouveau Messie – qu'ils seront encore une fois les premiers à récuser. Dans le passé, le judaïsme s'est illustré par ses stratégies de résistance contre les tentatives de le réduire, on se demande qu'elle tournure prendra la stratégie que réclame, nonobstant des régressions intégristes, le régime universel qu’instaurent la cosmolisation de l’univers, avec ses milliards ( ?) de galaxies et la possibilité d’une vie ailleurs, la technocratisation digitale de l’humanité et sa globalisation mercantile.
On nous dit qu'Israël contribue à cautériser les blessures de la Shoah. Or celles-ci ne se sont pas cicatrisées et ne sont pas près de l'être ; or Israël se révèle d'année en année plus friable sinon plus vulnérable. Les jeunes générations n'ont connu ni Hitler ni la prouesse, pour ne pas dire le miracle, qu'ont représentée la création de l'Etat d'Israël, sa construction et sa protection. Elles ne savent pas comment se positionner ni vers où s'orienter. Elles ne se résolvent pas à s'installer et elles ne savent plus errer. Le nouveau Juif vacillerait et l'on ne sait pas si c'est parce qu'il ne sait plus s'il est comblé ou exténué, s’il l’est par ses immémoriaux ou par ses nouveaux prêches. Il n’est pas tant aveugle que sourd à ses propres cris, ses rengorgements et ses sirènes. Il a tenté de se poser en Israël, de bâtir sa maison et de la crépir de paix. Or nous assistons à un nouvel exil et à la reconstitution d'une nouvelle Diaspora, plus dispersée que les précédentes parce que moins communautaristes. On renoue avec l'errance et celle-ci prend souvent des tournures étonnantes. L'exil ne serait plus une calamité, mais une vertu. On se sent désormais en exil chez soi. Dans les quartiers intégristes de Jérusalem et de Bnei Berak comme dans les ghettos reconstitués en Amérique du Nord. On assumerait son exil comme une dignité recouvrée ou une dignité clandestine. Partout. Même en Israël. De plus en plus.
On s'est empressé d'annoncer la déliquescence de la Diaspora, on s'empresse d'annoncer le démantèlement d'Israël. On ne sait pas ce que l'avenir réserve, on ne sait ce les Juifs en attendent. On ne sait pas si la mondialisation accélère ou ralentit les subtils et pernicieux processus de métissage – interreligieux, interculturel, international – et si elle ne constitue pas un tamis qui risque de marginaliser les plus sectaires, de les rabattre vers des ghettos encore plus résistants et de ne laisser passer que les plus prompts et agiles à s'assimiler.
Le Juif se prétend au-delà de tout, auprès du monde à venir, libre de tout dogme, déconstruit par son Talmud, s’emballant pour sa Kabbale, il n’est pas vraiment roué à cette quête du sens qui tourne chez lui au désarroi ou à la sécrétion d’une nouvelle révélation. Ne pouvant plus incarner Dieu, sans basculer dans une nouvelle variété de christianisme, il en est réduit à vivre dans l'indétermination et l'incertitude. Pour sa gloire et pour son désarroi. C'est parce que le Juif est excédé par une condition impossible à laquelle il ne peut se dérober, qu'il la déteste ou l'exalte, qu'il tente de créer un monde où le Juif aurait sa place ou dont il serait totalement exclu. Le génie juif est messianiste. Or le messianisme se révélerait mortel pour lui.
Je ne sais ce que ce texte dit, je ne sais ce que j’ai voulu dire, je présume que je ne suis pas le seul, je l’espère.