DANS LE SILLAGE DE WILLIAM JAMES : L’INVESTISSEMENT RELIGIEUX

30 Apr 2024 DANS LE SILLAGE DE WILLIAM JAMES : L’INVESTISSEMENT RELIGIEUX
Posted by Author Ami Bouganim

La vocation de la religion selon James consiste à s’unir avec Dieu. Trois voies se proposent à cette union : la purification, l’action et la contemplation. La vie de l’âme se présentant comme une accumulation de couches, l’une cachant l’autre, la religion réclame une conversion qui amorcerait / accomplirait / sanctionnerait un déplacement du foyer de la pensée et de l’être de la couche périphérique de l’intellect au cœur : « La conversion d’un homme est le passage de la périphérie au centre du groupe d’idées et d’impressions religieuses qui devient dorénavant son foyer habituel d’énergie personnelle » (« L’Expérience religieuse », Bibliothèque de l’Homme, 1999, p. 230). Ce processus de conversion requerrait « une incubation subconsciente » : « La religion subliminale, quelles que soient ses autres propriétés, est le rendez-vous d’une foule d’impressions, soit clairement conscientes soit subconscientes, qui petit à petit s’accumulent, s’élaborent d’après les lois ordinaires de la psychologie et de la logique, et peuvent atteindre une « tension » assez forte pour faire explosion dans la conscience ordinaire » (272).

La définition que propose James de la religion ne séduit autant que parce qu’elle restitue la religion dans toute sa banalité sans les renchérissements des prédicateurs philosophico-théologiques qui ont investi la philosophie existentialiste autant que la théologie dogmatique : « Nous entendrons dorénavant par religion (définition tout arbitraire, je le répète) les impressions, les sentiments et les actes de l’individu pris isolément, pour autant qu’il se considère comme étant en rapport avec ce qui lui apparaît comme divin » (59). Il n’en privilégie pas moins la dimension mystique sans laquelle le discours religieux ne serait que balivernes : « L’abandon de soi-même a toujours été le nœud vital de la vie religieuse vraiment intérieure, indépendante des œuvres extérieures, des rites et des sacrements » (246). Voire il trouve le mysticisme plus vaste et plus ouvert que le rationalisme religieux qui exclut plus de possibilités qu’il n’en autorise : « En général, les états mystiques ne font qu’ajouter une valeur ineffable aux objets ordinaires de la conscience. Ce sont des stimulants, comme l’amour ou l’ambition ; c’est une pure grâce qui transfigure de sa lumière ce que nous connaissions déjà, et renouvelle notre activité » (467). Il ne s’en démarque pas moins de « l’abandon langoureux à une dévotion outrée », recourant au terme de théopatie pour désigner / stigmatiser l’investissement de l’âme par le seul amour divin ou la seule passion religieuse.

Les positions religieuses de James n'ont autant séduit la communauté des chercheurs en matière de religion que parce qu’elles préservaient la science de toute immixtion de la religion en postulant un dualisme entre elles. Elles seraient parallèles, irréductibles l’une à l’autre. De même que les jugements de fait sont distincts des jugements de valeur sans exclure que les uns puissent influer sur les autres, de même la religion est distincte de la science sans exclure des interactions entre elles. Elles ne sont pas pour autant déductibles l’une de l’autre et ni la religion ne cherche / trouve ses preuves dans la science ni la science ne se tourne vers la religion pour ses procédures de recherche, de découverte et de confirmation.

James élude la question fondamentale de la religion qui reste, quoi qu’on en dise, celle de l’existence ou de la non existence de Dieu. De même, ses considérations sur le mysticisme occultent précisément le phénomène de l’abandon qui serait à son cœur et restituerait sa trame.