VARIATION JUDAIQUE : UN CIMENT D’AMOUR ET DE HAINE

6 Aug 2025 VARIATION JUDAIQUE : UN CIMENT D’AMOUR ET DE HAINE
Posted by Author Ami Bouganim

Ce serait désormais une secte plus qu’une religion. La plus tenace et intransigeante, l’une des plus ségrégationnistes aussi. Le Juif se réclame d’une rente morale qu’il a accumulée au prix de persécutions et de souffrances. Bien sûr la Bible abonde en institutions et en déclarations hautement morales que le Talmud ravale / nuance / déconstruit dans tous les sens. Mais cette prédication morale se brode et s’effiloche sur une trame d’intolérance sinon de haine, telle que la concevait Nietzsche qui présentait – dans son philo-judaïsme – les Juifs comme des artistes de la haine davantage que de la tolérance et de l’amour : « Le principe exalté « aimez vos ennemis » a dû être inventé par des Juifs, les meilleurs haïsseurs qu’il n’y ait jamais eus » (« Aurore », 377). On ne leur concéderait une prédisposition pour l’éthique que dans la mesure où, pris de remords, on leur consent une rente martyrologique. Or ce n’est pas parce qu’on est martyr qu’on a raison, encore moins qu’on est juste, bon ou saint. Le racisme guette bel et bien le ségrégationnisme de la mouvance orthodoxe au sein du judaïsme, le sectarisme son particularisme, le suprémacisme son élection. Ses adeptes entament leur service religieux quotidien par une série de bénédictions dont l’une d’elles déclare : « Béni sois-Tu Eternel… qui ne m’a pas fait goy. » On la récite dès son plus jeune âge, à deux ou trois ans, sa vie durant.

La principale contribution du judaïsme à l’humanité reste le christianisme dont les dogmes, points de suture sur le cœur au nom duquel il parle, n’en sont pas moins sanglants ou l’islam dont la virulence des conquêtes n’en a pas moins connu des piques d’intolérance et de violence. C’est dire que l’on devrait étudier le judaïsme dans le contexte de ses débordements chrétiens et musulmans. Rosenzweig fut un des rares à s’en acquitter et encore marginalise-t-il la place de l’islam – tendance somme toute caractéristique aux penseurs du judaïsme – dans sa topologie religieuse. La contribution du judaïsme serait encore dans les acquis de personnalités remarquables dans les sciences et les lettres. Mais ces personnages ne s’illustraient qu’en s’arrachant au judaïsme et en compensation / réparation de / à cet arrachement, comme dans les cas de Marx, plus messianique et prosélyte que Paul et Ali, et de Freud, plus exorciste.

C’était une école de la persévérance, de l’endurance et de la génialité tant qu’elle ruminait dans l’exil ses grandioses desseins de revanche et qu’elle résistait à toute tentation pour le pouvoir terrestre, au prix d’une terrible vulnérabilité, et en restait à une expectative messianique s’interdisant d’aboutir pour ne point se perdre / s’annihiler. C’est dire que le sionisme, qui fut dès le départ un messianisme, s’expose à sa perversion, son désaveu et son dépassement. Il recouvre une dialectique de la libération qui, pour reprendre Michael Walzer, serait condamnée à se retourner contre elle-même avec le retour d’une pharisianisation des esprits, des mœurs, de l’habitation la terre promise : elle n’aurait d’autre choix pour s’exprimer-s’épanouir que de reconstituer les conditions qui prévalaient en exil sur la terre retrouvée avec ses exclusions religieuses, ses excitations messianiques et ses dérives totalitaires. Du moins sa tentative d’instaurer des conditions de vie pré-pharisiennes (retour au Cananéen, à l’Hébreu antique…) ou post-pharisiennes ( ?) semble pour l’heure vouée à l’échec.

Photo : Boris S. Frenkel (1895-1984) - Portrait