The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
VARIATIONS JUDAÏQUES : UN CHEVEU DE LA BOUCHE

La mort nous accompagnerait comme une ombre intérieure. Dès les débuts. Nous ne nous résolvons pas à la perspective de notre disparition, nous ne concevons pas le monde sans nous et sans nos proches : « La mort, dit Bloch, décolore tout. » Elle peut survenir à tout moment ; elle peut aussi tarder. Le mystère de notre présence ressort avec encore plus de vertige sur fond de notre prochaine absence. La mort juive n’est pas que de cris et de pleurs, de tentatives acharnées d’en reporter l’échéance, de rites et de prières. A la croisée de l’utopie et du judaïsme, se gardant de prêcher, Bloch note : « Une vieille expression juive décrit la mort sous la forme la plus douce en disant que c’est comme si on nous ôtait un cheveu des lèvres, et dans sa forme plus courante, plus terrible, comme si on nous arrachait un nœud du cou » (E. Bloch, « L'esprit de l'Utopie », Gallimard, 1977, p.299). L’ange de la mort, chargé de recueillir l’âme avec le dernier soupir, serait le même que celui qui, toujours selon le midrash, l’escorte d’un bout à l’autre de l’univers, avant ou pendant la gestation, une lanterne à la tête. Au terme de cette prospection prénatale, il la condamne à l’oubli en lui assenant un coup sur les lèvres. Selon le midrash encore, l’ange ne se présenterait pas pour récupérer l’âme sans demander des comptes au défunt : « Alors l’homme reconnaît son double gardien, il reconnaît en lui, dans ce terrible instrument de mesure, cet indicateur du début et de la fin, de combien il a été rejeté, de combien il s’est rapproché et l’étendue de la dette à l’égard de son image originelle, dette que sa vie n’a pas payée ou dont elle s’est acquittée » (E. Bloch, « L'Esprit de l'Utopie », p.315). Cette prospection ne serait pas sans évoquer l’anamnèse socratique qui réduirait toute connaissance à la réminiscence.
Certains méritent de partir dans un baiser de Dieu – d’une mort furtive qui entraînerait dans l’éternité de Dieu ? Comme s’il n’était meilleure manière de s’assurer de l’existence de Dieu dont il est tant question au cours de notre périple terrestre que de mourir. De se transcender en transcendant la vie et de rallier les ancêtres et la Transcendance ( ?). De montrer la plus insigne des curiosités ; d’accomplir le plus risqué des sauts. Sous terre ou dans le ciel. Peut-être pour rien ; peut-être pour tout. Si l’on a une âme, qu’on s’en donne une, se convainc de sa provenance divine, on ne mourrait pas vraiment, on « se » rendrait à Dieu.

