ALBUM DU MONDE : LA CAVERNE DE PIAGET

C’est ce qu’on appelle un grand Suisse. Jean Piaget est considéré comme le maître de la psychologie développementale, il a donné les stades dans le développement de l’enfant. On ne peut faire de la psychologie cognitive sans se référer à ses recherches. Tous ceux qui veulent dire quelque chose de pertinent sur la cognition, qui ne soit ni graveleux ni charlatanesque, se tournent vers lui. Erikson a procédé à une synthèse entre sa psychologie et la psychanalyse, Köhler a été le pionnier de la théorie de l’évolution morale chez l’enfant. Les psychopédagogues qui se revendiquent de lui sont légion alors qu’on s’accorde à assurer que Freud, contrairement à Piaget, n’a pas contribué grand-chose à l’éducation. Pour ne pas parler des commentateurs lacanesques du divan. 

Ce bureau n’est pas de ce monde mais de l’ancien. La preuve c’est que cette photo est muséologique. On ne voit pas trace d’écran, on ne soupçonne pas encore l’incendie qui le numérique va se déclarer dans la recherche et l’écriture. L’IA se serait discréditée à l’avance en se prétendant intelligente et en promettant de rivaliser avec l’intelligence, autrement plastique, du vivant. Rien ne serait plus bête puisqu’elle n’est qu’algorithmique, s’exerçant sur de l’inerte qui ne saurait générer que de l’inerte, et qu’un algorithme est une caricature technique du raisonnement humain. Ce n’est pas une intelligence, ce n’est qu’une calculence qui, poussée dans ses retranchements, se révèle mathématique. Pourquoi a-t-on recouru à la notion d’intelligence ? Pour mieux ébaubir l’humanité et la perdre.

C’est plus éloquent qu’une caverne. Ce serait celle d’un certain stade de l’humanité à l’âge des livres, des archives et du papier. La fenêtre donne sur la nuit. Peut-être aussi sur les terres rares de l’âge du robot qui n’aura plus souvenir de l’intelligence humaine sinon pour se désoler de l’accablant tournant technologique des neurosciences.