The Euro-Mediterranean Institute for Inter-Civilization Dialog (EMID) proposes to promote cultural and religious dialogue between Mediterranean civilisations ; to establish a network of specialists in inter-Mediterranean dialogue ; to encourage Euro-Mediterranean creativity ; to encourage exchange between Mediterranean societies ; to work to achieve Mediterranean conviviality ; to advise charitable organisations working around the Mediterranean and provide the support necessary to achieve their original projects.
NOTE DE LECTURE : J. BENDA, LA TRAHISON DES CLERCS


Julien Benda dénonce l’engagement partisan du clerc – l’intellectuel –, son relativisme moral, ses velléités totalitaires. Il assimile sa manie sophistique à une trahison qu'il met sur le compte de sa « soif de sensation ». Le clerc devient sa propre « enseigne intellectuelle », basculant dans la démagogie, troquant « les sévères lois de l’esprit » contre l’exhortation sentimentaliste et déclamatoire à l’amour. Un intellectuel digne de son titre et de son rôle doit s'en tenir aux valeurs cléricales « dont les principales sont la justice, la vérité, la raison », toutes trois constantes, rationnelles et désintéressées. Sinon tout engagement, volontiers animé par la passion, y compris en faveur des trois valeurs en question, brouille l’esprit critique de l’intellectuel, le devoir qui lui est fait de transcender la réalité et celui de conserver, en toutes circonstances, un certain détachement. Benda déplore l’exacerbation des passions politiques, attisées par toutes sortes de haines, couvertes par toutes sortes de doctrines. Il ne demande à son clerc ni de changer le monde ni de chercher son salut. Socrate campe le clerc par excellence, gardien inconditionnel des valeurs cléricales.
Benda se posait en champion d’un cléricalisme dont il souhaitait préserver l'irréalisme, le pouvoir d'abstraction, l'idéalisme. Il s'interdisait de se compromettre dans la politique et considérait de son rôle de protéger la civilisation, c'est-à-dire à « la primauté morale conférée au culte du spirituel et au sentiment de l’universel ». Il se montrait sévère sur le XXe siècle qu'il considérait comme le siècle « de l’organisation intellectuelle des luttes politiques ». C'était un grand hâbleur intelligent qui ne trouvait pas de mots assez sévères pour dénoncer l’imposture de l'intellectuel engagé, stigmatisant « l’attitude de ces hommes dont la fonction était de contrarier le réalisme des peuples et qui, de tout leur pouvoir et en pleine décision, ont travaillé à l’exciter ». Se serait-on avisé de lui demander comment garder les valeurs cléricales, il nous aurait traités de traîtres. Se serait-on avisé de les promouvoir, il nous aurait soupçonnés de collaboration. L'aurait-on attiré hors de sa guérite, il nous aurait accusés de trahison. Il avait de bons diagnostics, il manquait de remèdes. Il ne pouvait que passer pour un réactionnaire libéral, criant dans le chahut contre le chahut.
Benda se contient comme philosophe pour mieux se poser en clerc-philosophe. Cela dit, il s’est tant voulu clerc qu’il n’est rien resté de lui comme philosophe. On retiendrait l’intégrité s’il ne s’était laissé tenter à son tour et n’avait fini par s’engager et trahir le clerc qu’il est resté dans la légende intellectuelle française. C’était, il est vrai, après la guerre et la shoah alors que les clercs étaient sommés de répondre à de lancinantes questions inquisitrices : Où étiez-vous ? Quelle leçon en tirez-vous ? Comment prévenir le retour de l’horreur ? De quel parti êtes-vous ?...