VARIATIONS JUDAIQUES : DU PARIA AU PARVENU

C’est selon Arendt sa condition de paria qui gagnerait au Juif ses qualités, de la vigilance interhumaine à l’ingéniosité intellectuelle ; sa promotion au rang de parvenu qui lui donnerait ses pires défauts, du crétinisme banaustique à l’avarice. Arendt choisit d’assumer pleinement sa condition de paria. Sans se leurrer sur les promesses que comporte une condition plus malaisée que commode, fascinée par ses vertus critiques et son devoir de réserve. Cette condition la préserverait de tout marchandage scolastique : « Il y a toujours eu des Juifs qui n’estimaient pas utile de troquer leur attitude humaine et leur vue naturellement pénétrante de la réalité contre l’étroitesse de l’esprit de caste ou l’irréalité des transactions financières » (H. Arendt, « Nous autres réfugiés », dans « La Tradition cachée », p. 75). Cette promotion incite à l’ostentation, voire à l’exhibitionnisme. Arendt décrète : « Le peuple juif demeura une nation de parias et continua de produire des parvenus » (H. Arendt, « Les Juifs d’Exception » dans « La Tradition cachée », p. 158).

La typologie d’Arendt concernait les Juifs de l’exil. Elle ne se hasardait pas à considérer les vices et les vertus qui guettaient le parvenu sioniste-politique. Elle n’aurait jamais imaginé qu’Israël serait le creuset d’un nationalisme judaïque aussi exacerbé que celui qui sévit de nos jours et encore moins qu’il soit porteur de travers théocratiques qui masqueraient ses tentations totalitaires derrière un creux et réactionnaire discours conservateur.